Témoignage d’Erica :
Samedi 13 mai dernier, pour la troisième année consécutive, nous avons participé au Festival des
Arts Martiaux de Nice organisé par Michel Clermont, qui fêtait sa 26 ème édition. C’est toujours un très
grand plaisir et un honneur de retrouver les mêmes participants d’année en année et de célébrer
avec eux les arts martiaux. Au-delà des différences formelles entre les disciplines que nous
pratiquons tous, un esprit commun, basé sur le partage, la convivialité et la découverte préside à la
fête. Des enfants à peine en âge d’aller à l’école maternelle côtoient de grands maîtres, sur la scène
de ce gala où il fait bon participer.
Cette année encore, France Haidong Gumdo était au rendez-vous avec des représentants de Nice et
de Marseille. Lorsque nous nous déplaçons ainsi pour une démonstration, cela suppose toute une
préparation pratique, technique, logistique bien en amont du festival. Les répétitions et les
entraînements alternent avec les réunions de préparation et la communication. Ce sont des
moments de partage mais aussi de tension, où se cristallisent certaines fragilités, parfois – et qui
transforment notre pratique.
En ce qui me concerne, l’enjeu était assez particulier. Bien que j’aie participé à de nombreuses
démonstrations depuis plusieurs années, pour la première fois, aux côtés des autres participants,
j’allais devoir représenter la section de Nice, dont je prends la main sur la coordination. Je ressentais
une pression différente des années précédentes à plusieurs titres : tout d’abord, cette responsabilité
nouvelle, mais aussi le défi que Maître Capozzi m’avait proposé, de faire le final avec l’extinction d’un
fagot de bougies au poing. Il s’agit, en réalité, de l’un des exercices les plus complexes à réaliser pour
moi, à plus d’un titre. Celui-ci demande de parvenir à une unité totale entre la bougie, soi-même, le
sabre. Il demande d’être là, exactement où nos pieds sont posés. Il demande à la pensée de ne pas
s’éloigner et à la respiration d’être juste, placée, en harmonie avec l’énergie de la flamme.
L’exercice de la bougie est donc très particulier : il s’agit de souffler la flamme sans la couper ni
l’écraser. Lors des entraînements, nous répétons souvent que si la flamme vacille, c’est déjà bien.
Dans un spectacle et à partir d’un certain niveau, il n’est plus possible de se contenter de cette
explication et le public attend de celui ou celle qui s’avance d’éteindre effectivement la flamme. Je
ressentais donc une certaine appréhension, lorsque je me suis avancée pour cette dernière partie de
la démonstration.
C’est alors que j’ai compris quelque chose de très important. En me soumettant au regard du public
dans toute ma fragilité, j’étais absolument vulnérable. Vouloir lutter contre cette vulnérabilité en
essayant de la masquer est un leurre. Le public se rend compte, les experts le voient : il est inutile de
faire semblant en voulant donner une illusion qui ne tromperait personne. J’ai donc choisi à cet
instant de cesser de vouloir éteindre ces flammes avec toute la force de ma volonté, mais de
simplement le faire. Et c’est probablement la leçon la plus importante que je retiens de notre
participation à ce festival cette année.
La volonté et la force sont des qualités qui ont besoin d’être contrebalancées avec l’acceptation et la
douceur. Lorsque la lame du sabre ne fait plus qu’un avec notre souffle, alors la bougie disparaît
d’une manière tout à fait fluide. Il ne s’agit plus d’une confrontation entre nous-mêmes et une
bougie (!) mais d’une unité. Et cela, c’est peut-être l’une des raisons les plus intimes et les plus
profondes pour lesquelles je continue à pratiquer et l’un des points que je souhaite particulièrement
transmettre.
Chaque événement auquel nous participons nous permet d’évoluer dans notre approche du Haidong
Gumdo. Si la pratique de notre art martial est un cheminement, celui-ci passe par différentes étapes
et par des détours parfois inattendus, comme cela a été le cas pour moi lors de cette démonstration.
C’est finalement cela qui touche aussi ceux qui regardent et qui nous permettent de transformer
notre pratique : laisser ce qui advient nous transformer, être agi par le sabre, par la flamme de la
bougie, et même par le public.
Nous avons été fiers et heureux d’avoir participé à cet événement si important dans le paysage des
arts martiaux niçois et nous préparerons avec joie la prochaine édition – en espérant y voir de
nouveaux élèves et leur permettre de rencontrer les pratiquants de toutes les disciplines qui y sont
représentées. Peut-être chercheront-ils à éteindre quelques bougies.